09/04/2015
« À table ! Alimentation et sciences sociales » (3)
Le site La vie des idées poursuit la publication, entamée en janvier dernier, d’une série de textes consacrés aux food studies (voir les précédents billets de février et mars sur ce blog). A ainsi été mis en ligne le 2 mars un entretien avec Julie Guthman, géographe à l’université de Californie (Santa Cruz), qui travaille sur les pratiques agricoles, la nutrition et les mouvements alimentaires, et est tout particulièrement connue pour ses publications sur l’obésité et les produits biologiques. Dans cet entretien, elle revient sur les grandes étapes de sa carrière, ses objets de recherche et la réception de ces travaux par les acteurs des milieux concernés.
Ses premières études portaient sur les contradictions de l’industrie du bio, obligée d’imposer des normes et des certificateurs pour se protéger, ces normes devenant ensuite des critères d’exclusion d’autres producteurs. Elle a également travaillé sur les attentes exagérées, selon elle, suscitées par les agricultures alternatives, le « local », le « saisonnier », l'« équitable » et le « non-industriel » étant conçus par certains médias et consommateurs comme des antidotes évidentes aux dérives supposées du système alimentaire mondial : « si l’industrie alimentaire est le problème, alors l’alimentation biologique locale doit être la solution ». Or, pour J. Guthman, ces innovations consuméristes comportent leurs propres lacunes et paradoxes, et surtout elles cachent, aux décideurs et aux chercheurs, les vraies tendances porteuses vers le monde de demain : « il est évidemment beaucoup plus facile d’étudier les gens dans un jardin communautaire ou sur un marché paysan que de comprendre le fonctionnement d’une chaîne d’approvisionnement complexe ».
Elle travaille aujourd’hui, plus généralement, sur les mouvements socio-politiques entourant les alimentations alternatives. L’alimentation est devenue, aux États-Unis tout spécialement, une composante importante de la réflexion sur les problèmes sociaux, sur le rapport à la Nature, sur les voies de modernisation et de transformation de la société, avec les oppositions partisanes qui en découlent : « le Tea Party se moque du fait qu’Obama aime la roquette, et parfois même défend la malbouffe comme une sorte de patrimoine culturel américain ».
Bruno Hérault, Centre d’études et de prospective
Source : La vie des idées
09:51 Publié dans Alimentation et consommation | Lien permanent | Tags : etats-unis, food studies | Imprimer | |
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